• Jeune-homme-nu-assis-Hippolyte-Flandrin.jpg

    Jeune homme nu assis 1855. Musée du Louvre- œuvre d’Hippolyte Flandrin.

     

    ROLLA

     

    Regrettez-vous le temps où le ciel sur la terre

    Marchait et respirait dans un peuple de dieux ;

    Où Vénus Astarté, fille de l'onde amère,

    Secouait, vierge encor, les larmes de sa mère,

    Et fécondait le monde en tordant ses cheveux ?

    Regrettez-vous le temps où les Nymphes lascives

    Ondoyaient au soleil parmi les fleurs des eaux,

    Et d'un éclat de rire agaçaient sur les rives

    Les Faunes indolents couchés dans les roseaux ?

    Où les sources tremblaient des baisers de Narcisse ?

    Où, du nord au midi, sur la création

    Hercule promenait l'éternelle justice,

    Sous son manteau sanglant, taillé dans un lion;

    Où les Sylvains moqueurs, dans l'écorce des chênes,

    Avec les rameaux verts se balançaient au vent,

    Et sifflaient dans l'écho la chanson du passant;

    Où tout était divin, jusqu'aux douleurs humaines;

    -

    Où le monde adorait ce qu'il tue aujourd'hui;

    Où quatre mille dieux n'avaient pas un athée;

    Où tout était heureux, excepté Prométhée,

    Frère aîné de Satan, qui tomba comme lui ?

    - Et quand tout fut changé, le ciel, la terre et l'homme,

    Quand le berceau du monde en devint le cercueil,

    Quand l'ouragan du Nord sur les débris de Rome

    De sa sombre avalanche étendit le linceul, -

    Regrettez-vous le temps où d'un siècle barbare

    Naquit un siècle d'or, plus fertile et plus beau ?

    Où le vieil univers fendit avec Lazare

    De son front rajeuni la pierre du tombeau ?

    Regrettez-vous le temps où nos vieilles romances

    Ouvraient leurs ailes d'or vers leur monde enchanté ?

    Où tous nos monuments et toutes nos croyances

    Portaient le manteau blanc de leur virginité ?

    Où, sous la main du Christ, tout venait de renaître ?

    Où le palais du prince, et la maison du prêtre,

    Portant la même croix sur leur front radieux,

    Sortaient de la montagne en regardant les cieux ?

    Où Cologne et Strasbourg, Notre-Dame et Saint-Pierre,

    S'agenouillant au loin dans leurs robes de pierre,

    Sur l'orgue universel des peuples prosternés

    Entonnaient l'hosanna des siècles nouveau-nés ?

    Le temps où se faisait tout ce qu'a dit l'histoire;

    Où sur les saints autels les crucifix d'ivoire

    Ouvraient des bras sans tache et blancs comme le lait;

    Où la Vie était jeune, - où la Mort espérait ?

    O Christ ! je ne suis pas de ceux que la prière

    Dans tes temples muets amène à pas tremblants;

    Je ne suis pas de ceux qui vont à ton Calvaire,

    En se frappant le coeur, baiser tes pieds sanglants;

    Et je reste debout sous tes sacrés portiques;

    Quand ton peuple fidèle, autour des noirs arceaux,

    Se courbe en murmurant sous le vent des cantiques,

    Comme au souffle du nord un peuple de roseaux.

    Je ne crois pas, ô Christ ! à ta parole sainte

    Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux.

    D'un siècle sans espoir naît un siècle sans crainte;

    Les comètes du nôtre ont dépeuplé les cieux.

    Maintenant le hasard promène au sein des ombres

    De leurs illusions les mondes réveillés;

    L'esprit des temps passés, errant sur leurs décombres,

    Jette au gouffre éternel tes anges mutilés.

     

    Les clous du Golgotha te soutiennent à peine;

    Sous ton divin tombeau le sol s'est dérobé :

    Ta gloire est morte, ô Christ ! et sur nos croix d'ébène

    Ton cadavre céleste en poussière est tombé !

    Eh bien ! qu'il soit permis d'en baiser la poussière

    Au moins crédule enfant de ce siècle sans foi,

    Et de pleurer, ô Christ ! sur cette froide terre

    Qui vivait de ta mort, et qui mourra sans toi !

    Oh ! maintenant, mon Dieu, qui lui rendra la vie ?

    Du plus pur de ton sang tu l'avais rajeunie;

    Jésus, ce que tu fis, qui jamais le fera ?

    Nous, vieillards nés d'hier, qui nous rajeunira ?

    Nous sommes aussi vieux qu'au jour de ta naissance.

    Nous attendons autant, nous avons plus perdu.

    Plus livide et plus froid, dans son cercueil immense

    Pour la seconde fois Lazare est étendu.

    Où donc est le Sauveur pour entrouvrir nos tombes ?

    Où donc le vieux saint Paul haranguant les Romains,

    Suspendant tout un peuple à ses haillons divins ?

    Où donc est le Cénacle ? où donc les Catacombes ?

    Avec qui marche donc l'auréole de feu ?

    Sur quels pieds tombez-vous, parfums de Madeleine ?

    Où donc vibre dans l'air une voix plus qu'humaine ?

    Qui de nous, qui de nous va devenir un Dieu ?

    La Terre est aussi vieille, aussi dégénérée,

    Elle branle une tête aussi désespérée

    Que lorsque Jean parut sur le sable des mers,

    Et que la moribonde, à sa parole sainte,

    Tressaillant tout à coup comme une femme enceinte,

    Sentit bondir en elle un nouvel univers.

    Les jours sont revenus de Claude et de Tibère;

    Tout ici, comme alors, est mort avec le temps,

    Et Saturne est au bout du sang de ses enfants;

    Mais l'espérance humaine est lasse d'être mère,

    Et, le sein tout meurtri d'avoir tant allaité,

    Elle fait son repos de sa stérilité.

     

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  • Poème de George Sand à Alfred de Musset

     

    Cher ami,

     

    Je suis toute émue de vous dire que j'ai

    bien compris l'autre jour que vous aviez

    toujours une envie folle de me faire

    danser. Je garde le souvenir de votre

    baiser et je voudrais bien que ce soit

    une preuve que je puisse être aimée

    par vous. Je suis prête à montrer mon

    affection toute desinteressée et sans cal-

    cul, et si vous voulez me voir ainsi

    vous dévoiler, sans artifice, mon âme

    toute nue, daignez me faire visite,

    nous causerons et en amis franchement

    je vous prouverai que je suis la femme

    sincère, capable de vous offrir l'affection

    la plus profonde, comme la plus étroite

    amitié, en un mot : la meilleure épouse

    dont vous puissiez rêver. Puisque votre

    âme est libre, pensez que l'abandon ou je

    vis est bien long, bien dur et souvent bien

    insupportable. Mon chagrin est trop

    gros. Accourrez bien vite et venez me le

    faire oublier. A vous je veux me sou-

    mettre entièrement.

    Votre poupée

     

     

     

    Et la réponse d'Alfred De Musset:

     

    Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,

    Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?

    Vous avez capturé les sentiments d'un coeur

    Que pour vous adorer forma le créateur.

    Je vous chéris, amour, et ma plume en délire

    Couche sur le papier ce que je n'ose dire.

    Avec soin de mes vers lisez les premiers mots,

    Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

     

    Alfred de Musset

     

    La réponse de Georges est une merveille de concision:

     

    Cette insigne faveur que votre coeur réclame

    Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.

     

    George Sand

    Voir Citations pour Déclaration d'amour

    & Cartes Virtuelles Coeurs

     

     

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  • iris Van Gogh

    L'Iris

     
    Je t'apporte un iris cueilli dans une eau sombre

    Pour toi, nymphe des bois, par moi, nymphe de l'eau,

    C'est l'iris des marais immobiles, roseau

    Rigide, où triste, oscille une fleur lourde d'ombre.

     

    J'ai brisé, qui semblait un bleu regard de l'air,

    L'iris du silence et des fabuleux rivages;

    J'ai pris la tige verte entre mes doigts sauvages

    Et j'ai mordu la fleur comme une faible chair.

     
     
    Les gestes et les fleurs, ô sereine ingénue,

    Parleront pour ma bouche impatiente et nue,

    Où brûlent mes désirs et l'espoir de tes mains:

     

    Accueille ici mon âme étrangement fleurie

    Et montre à mes pieds par quels obscurs chemins

    Je mêlerai ta honte à ma vaste incurie.


    Pierre Louÿs

     

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  • Paysage-Feerique-Coucher-Soleil-Avec-Lune-Et-Terre.jpg

    L'aube de la Lune

     
    Regarde la naissance ardente de la lune,

    Ô Stulcas! C’est un coeur qui répand sur les eaux

    Le sang d'une aube horrible au sommet des roseaux

    Où Syrinx va gémir à sa triste fortune

     

    Les ombres des palmiers s’éveillent, et chacune

    Traîne deux fils de flamme à ses obscurs fuseaux,

    Et les crins du centaure et l'aile des oiseaux

    Se haussent, alourdis d'une pourpre importune.

     

    Le bruit des palmes doux comme la pluie en mer

    Verse une onde altérée à la ferveur de l'air;

    Tout ruisselle et se perd goutte à goutte...Respire,

     

    Stulcas, la lune est pure et sur le ciel plus clair

    Notre bouc irrité par le vol du vampire

    Se cabre dans l'orgueil d'échapper à la nuit

     

    Pierre Louÿs

     

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