• PHOTO-DE-Cicely-Mary-Barker.jpg Biographie de l'auteur

     

     

    Cicely Mary Barker

     

    "Cis aux premiers jours…

    Cicely Mary Barker est née au cours des fenaisons, le 28 juin 1895 à Croydon dans le Surrey. C’est un petit bout de bébé encore tout fripé par le douloureux et délicat passage entre l’Autre monde et le nôtre. Les familiers de féerie et les sages matrones racontaient autrefois de nombreuses histoires sur «la mise au monde» et son cortège de rites, de croyances et de présages. Ils disaient qu’au moment où l’enfant quittait le Bienheureux royaume et franchissait la porte pour éclore à la vie terrestre, un archange ou une fée se penchait vers lui et posait sur sa bouche le doigt afin qu’il taise les secrets reçus dans l’au-delà – que la fossette creusée sous le nez, juste au-dessus des lèvres, était la marque laissée par l’attouchement du merveilleux index. Ils disaient qu’ensuite les Trois Parques filaient le destin de l’enfant. L’une le dévidait, la seconde le tramait et la troisième, plus tard, à l’heure prévue, le coupait… D’un autre geste, les Marraines distribuaient les dons. Certains enfants se trouvaient nés coiffés, sous la protection des fées, avec un pas demeuré dans l’ombre lumineuse de l’autre versant. Doués pour les arts, l’âme à fleur d’émotion, ceux-là se montreraient rêveurs, quelque peu fantasques, de santé délicate, parfois lunatiques, si ce n’est «différents».

    Cicely appartient à cette famille. Très tôt, elle souffrira d’épilepsie. Les enfants des anges et des fées que les parents inquiets ont souvent tendance à surprotéger passent pour solitaires. En fait, il faut le dire, ces enfants ne le sont pas, car ainsi que le versifie si bien Stevenson «quand les enfants jouent seuls dans le pré – Survient le compagnon que personne ne voit – Personne ne l’a vu ni ne l’a entendu ; – Son portrait, jamais tu ne le feras – Mais il est présent, ici ou là-bas». C’est peut-être ces menus et fluides compagnons entrevus autour de son lit de malade qui joyeusement lui ramenaient du dehors les rires, les chants, la flore et la lumière des collines et campagnes lointaines que toute sa vie durant, avec tendresse et précision elle ne cessera de peindre et dessiner. De beaux livres de contes illustrés.

    Lorsque Cicely a treize ans, son père l’inscrit à la Croydon Art Society et lui offre des cours d’art par correspondance, car ces dons des fées peuvent à la longue, si on n’en fait rien, se cristalliser et s’émietter au moindre choc. Alice B. Woodward l’encourage à être exigeante envers son travail, à résister à des formules trop commerciales, à dessiner d’après nature. « Ne suit pas la voie de quelqu’un d’autre, mais suit ta propre voie. Conserve tes rêves », lui écrit Anne Falkner.

    En 1911, l’éditeur Raphaël Tuck achète pour un demi souverain quatre petits dessins à Cicely, ajoutant qu’il serait enchanté d’en publier d’autres. Elle gagne également un prix à un concours d’affiches.

    Un an plus tard, la mort soudaine de son père qui, avec une attention constante avait guidé ses progrès, plonge toute la famille dans la douleur et le désarroi. Petit à petit sa foi rayonnante, mais aussi les problèmes d’argent, vont ramener Cicely à ses pinceaux, à sa table de travail. Elle écrit de la poésie, réalise des aquarelles pour la société de promotion de la connaissance chrétienne, des illustrations pour My Magazine, Child’s own magazine ,  the Leading Strings et le Raphael Tuck annuals, exécute de nombreux portraits et expose à la «Women Artists Exhibitions». En 1918, le «Royal Institute» lui achète pour 660 livres A fairy song, sa première œuvre d’inspiration féerique.

    Cicely s’est beaucoup promenée dans les décors de Patton, de Cruikshank, John Auster Fitzgerald, John Duncan, John Collier, Walter Crane, Dante Gabriel Rossetti, J.W. Waterhouse, John Simmons, Holman Hunt, Robert Huskinson, Edward Robert Hughes, J. Atkinson Grimshaw, elle a côtoyé les elfes de Sophie Anderson et le Petit Peuple de Ida Rentoul Outhwaite. Elle a lu et relu les mémoires et les traités de Millais et de Burne-Jones son peintre préféré…

    En 1923, l’éditeur Blackie publie Flowers Fairies of the Spring, que d’autres lui ont refusé. C’est son premier recueil, son premier bouquet de fées des fleurs. Vingt-quatre poèmes et illustrations qui décrivent les petits esprits des crocus, des blanches anémones, des riantes pâquerettes au cœur d’or, des violettes odorantes, des primevères, des coucous. Tous chantent la vie renaissante. Le temps jamais ne fanera leur éternelle jeunesse.

    En 1924, la famille Barker gênée par des problèmes financiers emménage dans une nouvelle maison. Dorothy emporte avec elle sa garderie d’enfants et Cicely installe son atelier au fond du jardin. On vit chichement et les élèves que Cis emprunte à sa sœur pour lui servir de modèles se plaignent souvent du froid.

    C’est dans ce petit recoin enfoui dans le lierre et le chèvrefeuille que la jardinière des fées va composer le meilleur de son œuvre.

    En 1954, sa sœur Dorothy meurt, foudroyée par une crise cardiaque. Cis se rend compte un peu tard ce qu’elle devait à celle qui l’avait toujours affectueusement protégée et tenue à l’écart des tracas quotidiens. Comme une enfant perdue, Cicely est alors incapable de travailler, de s’occuper à la fois de la maison, des travaux ménagers, de sa mère malade qui décède en 1960.

    L’horizon s’est couvert de nuages et les rondes des fées fleurs semblent bien lointaines.

    Une photo la montre sur le pas de sa porte : une petite dame âgée avec une allure d’enfant sage. Les cheveux blancs soigneusement coiffés, une raie sur le côté, maintenus par deux barrettes. Un col blanc, une jupe écossaise, des souliers vernis. On dirait une écolière appliquée et rêveuse. Le visage a gardé cette fraîcheur angélique déposée il y a bien longtemps par les fées et séraphins penchés sur son berceau dans l’aurore des premiers jours…

    Elle est maintenant trop aveugle, trop sourde pour percevoir ce monde moderne que renvoie entre deux spots publicitaires l’écran de télévision, mais elle distingue encore au-delà de la fenêtre le bleu profond des iris et le rose délicat des jacinthes. Elle sait que derrière les jardins de ses contemplations intérieures, elle va bientôt retrouver le paradis perdu.

    Lorsque Cis meurt en 1973, les vitraux sont en fleurs, l’orgue et les chants accompagnent son voyage vers le royaume bienheureux des anges et des fées. On disperse ses cendres dans un petit pré appelé «la clairière» qui entoure l’église de Storrington… Les elfes et les elfines y mêlent leurs ailes diaphanes aux pétales des premiers crocus…"

     

    Pierre Dubois

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    1.rose ancienne

    LA ROSE MOUSSEUSE

    L'Amour alla un jour se promener dans la forêt. C'était un beau jour au mois de Juin. L'Amour se promena longtemps, longtemps. Il se promena si longtemps qu'il se trouva enfin fatigué, bien fatigué.

    "Oh!" dit L'Amour, "je suis si fatigué!" Et L'Amour se coucha sur l'herbe verte pour se reposer. Tous les petits oiseaux de la forêt arrivèrent vite, vite pour voir l'Amour. L'Amour était si joli, si blanc et rose. L'Amour avait de si jolis cheveux blonds et de si jolis yeux bleus.

    "Oh!" dirent tous les petits oiseaux de la forêt. "Regardez le petit Amour! Comme il est joli! Comme il est blanc et rose! Quel joli Amour! Quels jolis cheveux blonds! Quels jolis yeux bleus!"

    Tous les oiseaux se perchèrent sur les branches et commencèrent à chanter en choeur: "Quel joli petit Amour!».

    Le petit Amour ferma ses jolis yeux bleus. Le petit Amour s'endormit. Il s'endormit profondément.

    Les petits oiseaux continuèrent à chanter, "Quel joli petit Amour!"

    Alors le Soleil dit: "Les petits oiseaux de la forêt chantent tous: 'Quel joli petit Amour!' Où est ce joli petit Amour?" et le Soleil entra dans la forêt pour chercher le joli petit Amour.

    Le Soleil entra dans la forêt, et, guidé par le chant des petits oiseaux, il arriva bientôt à la place où le joli petit Amour était couché sur l'herbe verte.

    "Oh!" dit le Soleil, "Quel joli petit Amour! Comme il est blanc et rose! Quels jolis cheveux blonds! Quelle est la couleur des yeux de ce joli petit Amour?"

    Le Soleil était curieux, très curieux, mais la Rose qui était là dit: "Non, non, Soleil, vous êtes curieux, très curieux, mais le joli petit Amour dort. Partez, méchant Soleil, partez vite. L'Amour dort profondément, et les petits oiseaux chantent. Partez!

    "Oh non!" dit le Soleil. "Je veux voir quelle est la couleur des yeux de ce joli petit Amour."

    "Non, non!" dit la Rose, et elle se pencha sur L'Amour, et elle le protégea. La Rose protégea le petit Amour, et le Soleil, le Soleil curieux, resta dans la forêt, et dit:

    "Je veux voir la couleur des yeux de ce joli petit Amour. Je resterai ici, dans la forêt, et quand l'Amour ouvrira les yeux, je serai content, très content."

    Le Soleil resta dans la forêt, les oiseaux chantèrent, la Rose protégea l'Amour, et l'Amour dormit profondément.

    Enfin l'Amour ouvrit les yeux.

    "Oh!" dit le Soleil, "j'ai vu la couleur des yeux de l'Amour. L'Amour a les yeux bleus!"

    "Mais oui!" chantèrent les petits oiseaux de la forêt: "L'Amour a les yeux bleus!"

    "Oui, certainement," dit la Rose, "L'Amour a les yeux bleus!"

    L'Amour regarda le Soleil, et dit: "Oh Soleil" pourquoi êtes-vous entré dans la forêt?"

    "Oh!" dit le Soleil, "j'ai entendu les oiseaux qui chantaient: 'Oh, le joli petit Amour'; et je suis entré dans la forêt pour vous voir."

    L'Amour dit au Soleil, "Oh Soleil, vous êtes curieux, très curieux."

    "Oui," dit le Soleil, "je suis curieux, mais la Rose vous a protégé."

    "Merci! chère Rose," dit le joli petit Amour, "merci, merci. Vous êtes bien bonne, chère Rose, et vous êtes aussi belle que bonne. Quelle récompense voulez-vous, chère Rose, vous qui êtes la plus belle de toutes les fleurs?"

    "Oh!" dit la Rose. "Donnez-moi un charme de plus!"

    "Comment!" dit l'Amour, surpris. "Vous demandez un charme de plus. Impossible! Je vous ai déjà donné tous les charmes. Je vous ai donné une forme parfaite. Je vous ai donné une couleur charmante. Je vous ai donné un parfum délicat. Je vous ai donné tous les charmes et toutes les grâces, et vous demandez un attrait (charme) de plus. Ce n'est pas raisonnable!"

    "Oh!" dit la Rose, "raisonnable ou pas raisonnable, je vous demande un attrait de plus, cher Amour. Je vous ai protégé. Récompensez-moi!"

    L'Amour dit: "C'est impossible!" Mais la Rose insista. Enfin l'Amour, en colère, dit: "Rose, vous êtes belle, vous êtes la plus belle des fleurs, mais vous n'êtes pas sage (bonne)." Et l'Amour prit de la mousse. Il jeta la mousse sur la Rose, et dit: "Vous ne méritez rien que cela!"

    La Rose, couverte de mousse verte, parut plus belle que jamais, et la Rose dit avec joie: "Merci, mon joli petit Amour! Merci, vous m'avez donné une récompense. Vous m'avez donné une grâce de plus." "Oui!" dit l'Amour, surpris. "Je vous ai donné une grâce de plus!"

    Le Soleil regarda la Rose, et dit aussi: "Mais oui! la Rose a une grâce de plus." Et tous les petits oiseaux chantèrent: "Mais oui, le joli petit Amour a donné une grâce de plus à la Rose, à la plus belle des fleurs."

    Et l'Amour partit en chantant aussi: "La Rose mousseuse est la plus belle des fleurs. Elle est bonne aussi. Elle m'a protégé quand le Soleil est arrivé pour voir la couleur de mes yeux qui sont bleus."

    Et depuis ce jour la Rose, cette coquette, a toujours porté un peu de mousse verte.

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